L’erreur d’écriture la plus fréquente : ignorer le célèbre « Show, don’t tell »
Le texte qui suit permettra de mieux comprendre la différence entre dire et montrer pour que vos rédactions soient plus efficaces. Dormez-vous? Moi aussi. Pourquoi? Parce que je vous ai pris par la main en surexpliquant ma démarche alors que vous ne m’avez strictement rien demandé. Et ça, c’est la reine des erreurs d’écriture.
Quand on ne sait pas par où commencer avec l’écriture d’un texte, c’est normal de vouloir mettre le lecteur en contexte pour lui expliquer ce qu’il s’apprête à lire. On met les bases pour tout le monde : nous sommes enfin alignés, hourra!
Toutefois, dans les faits, c’est une béquille qui vient distraire le cerveau pendant qu’il met de l’ordre dans ses idées : « allez, gagnons du temps pendant qu’elle écrit cette platitude, ça me permet de mieux formuler la suite ».
Cette pratique dilue la force du propos et éteint même les images les plus vives. Le fond est bon, mais il est temps de sortir sa machette pour donner un bon coup de hache dans ce fourbis. Eh oui, heureusement, il y a un remède tout simple pour tuer ce réflexe commun et rendre son storytelling efficace : le « show, don’t tell ».
Qu’est-ce que le « montrer, ne pas raconter » en écriture ?
C’est une technique d’écriture qui permet d’utiliser les sens, les actions et les dialogues pour véhiculer des émotions et raconter des actions sans le dire. Autrement dit, au lieu de raconter et d’expliquer, on fait vivre l’expérience au lecteur directement.
Alors, comment fait-on pour pratiquer cette technique d’écriture créative comme un·e pro·e de la rédaction ?
Repérer les verbes d’état ou de perception et les éliminer.
Je vois que la rue est bondée et je me sens angoissée.
→ La rue est bondée, et j’angoisse.
Repérer les adjectifs et les remplacer par une description précise
La rue est bondée, et je me sens angoissée.
→ Les piétons se précipitent à gauche et à droite, les portent des commerces claquent, et ma gorge se serre. C’est trop.Repérer les verbes de déplacement et les éliminer
Nous sommes assis côte à côte sur le divan. Je bouge ma main pour caresser son bras.
→ Côte à côte, le divan devient notre cocon. Sa peau est chaude et douce.
Écrire avec les sens
Il fait froid.
→ Ma bouche engourdie par le nordet ne me permet plus d’articuler.Évitez les explications/remarques qui portent sur votre écriture
Dans le présent chapitre, nous explorons les bénéfices de la pleine conscience sur le système nerveux. En effet, nous savons que la pleine conscience est bénéfique pour la productivité.
→ La pleine conscience est bénéfique pour le système nerveux et la productivité. En effet, [...]
L’information communiquée demeure la même. Pourtant, l’image se précise de plus en plus et devient plus percutante : c’est ça, le « show, don’t tell ».
Pourquoi ce principe permet vraiment d’améliorer son écriture
Quand on écrit, on pourrait avoir tendance à penser que nous sommes les architectes de l’imagination du lecteur. Toutefois, c’est faux !
Comme nous le rappelle Jonathan Gottschall dans The Storytelling Animal : How Stories Make Us Human, l’auteur triche et force le lecteur à faire la grande partie du travail imaginaire. La lecture est souvent perçue comme un acte passif mais, en fait, elle est extrêmement active : le cerveau décortique le texte et le transforme en images. L’auteur donne une indication de la direction à prendre, mais c’est le lecteur qui dessine le portrait final.
Dans mes exemples précédents, à quoi ressemblaient les piétons? Les commerces étaient-ils des restaurants, des boutiques ou des supermarchés? Est-ce que c’était une rue d’une, deux ou trois voies? Et le personnage qui angoisse? C’est un homme ou une femme?
Je ne l’ai jamais précisé. Pourtant, votre cerveau a comblé les informations qui manquaient et personne n’y a pensé deux fois.
Le « show, don’t tell » est efficace parce qu’il retire les barrières entre les mots et les images. Il permet au cerveau d’être plus paresseux : il n’a pas besoin de se demander à quoi ressemble une rue bondée. Le cortex préfrontal projette les images dans notre tête et il se fie à ce que le lecteur a déjà vu. Si on améliore les données qu’on envoie au cerveau, l’image créée devient plus précise, plus claire pour le lecteur.
D’ailleurs, le cerveau dépasse la simple imagination visuelle : le sillon central recrée les sensations physiques comme l’odorat, le toucher, le goût. D’où l’importance d’incorporer les sens rapidement dans l’écriture.
C’est ce qui fait que le lecteur devient engagé : on lui a donné l’espace pour se concentrer sur l’expérience du texte plutôt que la difficulté de traduire la lecture en images et en sensations.
L’expérience de lecture la plus marquante, c’est celle où il y a le moins de lumières rouges possible entre les mots et les images.
Et cette technique, c’est exactement ce qu’elle fait : elle rend le texte plus percutant sans se prendre les pieds dans les syllabes inutiles !